Je dois au théâtre mon éveil précoce à l’écriture et à la culture


C’est à douze ans que j’ai entrepris, avec deux de mes amis, Mouldi Ammar et Jomaa Kottel, une expérience théâtrale inspirée par l’enthousiasmante annonce du cessez-le-feu en Algérie en mars 1962, sur les ondes des radios, pendant que nous étions, élèves de première année secondaire, en étude dans une cathédrale réaménagée à cet effet.

La pièce, écrite, mise en scène et jouée par nous trois, consistait en une théâtralisation des blagues de J’ha autour d’un roi contre qui deux héros, Habib (MA) et Farhat (MM), mènent une lutte acharnée. Celui-ci y laissera la vie et le second viendra à bout d’un roi dont même le devin (JK) n’a pu lui épargner sa triste fin. Quelle était grande ma surprise quand plus tard j’ai découvert l’étrange ressemblance thématique et structurelle entre notre pièce et celle de Kateb Yacine, publiée en 1959 (je le saurai beaucoup plus tard), La Poudre d’intelligence, dont nous n’avions jamais entendu parler, à cet âge et à notre niveau scolaire non encore assez avancé.

La pièce a été jouée dans la fête de fin d’année organisée par l’Organisation Nationale de la Solidarité Sociale qui gérait l’internat des jeunes lycéens n’ayant pas les moyens d’être dans l’internat du lycée.

Puis, revenus dans leur village, Sayada, les trois jeunes ont tenu à représenter leur œuvre devant leurs concitoyens. Les responsables locaux les ont encouragés et ce fut une soirée mémorable avec un public venu en masse pour les regarder jouer. L’occasion était on ne peut plus convenable, le 25 juillet, fête de la République.

Depuis, je n’ai presque jamais arrêté d’écrire, mais tous les écrits de mes premiers pas dans l’écriture ont été jutés, sans doute par inadvertance, soit par mes parents, soit par ma famille, dans nos emménagements et déménagements. Je me souviens encore de certains poèmes que j’avais écrits pour une camarade de trois ans mon aînée et qu’elle n’avait jamais vus. Je me souviens d’un poème écrit à la mort de ma tante Latifa qui était comme une seconde mère pour moi. Ceux-là étaient en arabe. Mais dans ma quatrième année secondaire, bien que dans la section sciences, j’ai écrit, à la faveur de mes cours sur le romantisme français, mes premiers poèmes, eux aussi disparus, à ma première fiancée officielle que j’ai eue dans la période de mes quinze à vingt ans.

Dans les années soixante-dix, mon expérience scripturaire allait connaître un autre tournant et une autre évolution.

Mansour M’henni

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